Les fresques du salon du trône du palais royal de Madrid (Espagne)
Les fresques du Salon du Trône du Palais Royal de Madrid
Contexte historique et stylistique
Construit à partir de 1738 sur les plans de Juan Bautista Sacchetti et restauré récemment, le Salon du Trône était destiné à célébrer la grandeur des Bourbons et de la monarchie espagnole. C’est dans cet esprit que Charles III fit appel, vers 1762, au peintre vénitien Giambattista Tiepolo pour orner le plafond de fresques allégoriques d’un éclat sans pareil.
Giambattista Tiepolo à Madrid
Approchant de soixante-dix ans, Tiepolo débarque à la cour d’Espagne après une carrière triomphale en Italie. Son art, fondé sur une palette pastel lumineuse, un trait élancé et un sens aigu de la composition en ciel ouvert, incarnait alors l’apogée du style rococo, alliance de grâce décorative et de virtuosité illusionniste.
L’Apothéose de l’Espagne : composition et narration
Sur la voûte du Salon du Trône déploie l’Apothéose de l’Espagne, fresque-chef-d’œuvre où s’entrelacent blasons, drapeaux, figures mythologiques et peuples lointains. Au centre, une allégorie féminine incarne la Péninsule victorieuse, entourée de Victoires ailées tenant des palmes et de Putti portant les armes royales. Aux marges, animaux exotiques et symboles impériaux (foudre de Jupiter, taureau d’Hercule) soulignent l’étendue de la domination espagnole et sa filiation antique.
Technique picturale et illusion d’espace
Exécutée à fresco (craie et pigments appliqués sur enduit frais), la surface plafond est découpée en compartiments virtuels par des cadres architecturaux peints en trompe-l’œil. Fausse balustrade, corniches et entablements ouvrent la voûte sur un ciel idéalisé, projetant le regard du visiteur dans un espace infini. La lumière, filtrée par de véritables fenêtres et renvoyée par de grands miroirs rococo, fait vibrer les couleurs éthérées de Tiepolo.
Symbolisme politique et dynastique
Ce programme visuel ne masque pas son but : glorifier Charles III et les Bourbons. En convoquant l’iconographie romaine (bustes d’empereurs, figures d’Hercule) et les allégories de la Métropole coloniale, la fresque affirme la continuité de l’empire et la mission civilisatrice de l’Espagne. Le mélange de scènes mythologiques et de drapeaux contemporains cristallise l’idéal encyclopédique des Lumières, où science, histoire et pouvoir se répondent.
Héritage et postérité
Véritable manifeste rococo, l’Apothéose de l’Espagne marque la dernière grande commande princière dans ce style à la cour madrilène. Dès la fin du règne de Charles III, la montée du néo-classicisme – portée par Anton Raphael Mengs – relégua Tiepolo à des travaux moins ambitieux. Aujourd’hui restaurée, sa fresque reste l’un des joyaux du Palais Royal, témoignage du dialogue fascinant entre culture européenne et ambition impériale espagnole.
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